Des regrets, mais pas de remords...

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 07/08/2007

Cela fait près de cinq ans que mon pas n'avait plus foulé ces contrées, cinq ans que mes yeux n'avaient plus croisé le relief de ces plaines, cinq ans que mon nez n'avait plus humé les senteurs de ce pays.

Ce pays, pourtant, c'est celui où je suis né, celui où j'ai grandi, celui où toute mon existence aurait dû se dérouler. Dans ce pays, j'avais un nom, des amis, une famille, un rôle à jouer... J'avais aussi la richesse, le pouvoir, et le respect dont tout homme rêve.

Pourtant, je suis parti, un matin où le brouillard au dehors était assez épais pour cacher la brume qui emplissait mes yeux. J'ai échangé tout ce que je possédais ici contre une vie où je n'ai plus rien, faite de solitude et d'incertitude. Pourquoi? Parce que dans ce pays-ci, il y avait aussi ma plus grande faiblesse...

Dans moins de deux cirfeux je franchirais à nouveau les portes de la Capitale, de retour d'un exil que j'avais décidé moi-même, sans en avertir personne. Et le pire, c'est que j'ignore pourquoi je reviens... Il y a eu cet espèce d'appel qui m'a tiré de mon sommeil il y aura bientôt huit nuits, et que j'ai tenté de chasser au fond de mon cerveau, me disant que c'était un rêve. Mais chaque nuit il est revenu, et j'ai finalement décidé de lui obéïr... C'était plus fort que moi!

Et soudain, le doute m'assaille, le courage me manque, l'angoisse m'étreint.... Serais-je capable de me retrouver face à ce que j'ai fuit?

Je me laisse tomber sur l'herbe et pose mon front sur mes mains, laissant les souvenirs affluer...

(A suivre)

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 07/08/2007

Rudolph, mon père! Nous n'avions pas le même sang, et pourtant...

A la mort tragique de mon père, chef de tes armées, tu as fait ce qu'aucun autre homme que toi n'aurait fait. Tu as offert une maison à ma pauvre mère, qui n'aura même pas eu le temps d'en profiter, préférant la mort au deuil. Alors, tu m'as pris sous ton aile, me donnant ton nom, m'offrant une famille de remplacement, le comfort, mais aussi un frère. Un frère qui lui avait le même sang que toi, et pourtant entre nous deux, jamais tu n'as fait de différence, allant jusqu'à nous partager ton royaume dans ton testament, faisant de moi ton héritier au même titre que lui.

Guillaume, mon frère! Sans aucun doute le frère que chacun aimerait avoir... Toi et moi étions tellement proches, tellement semblables dans nos idées, nos principes, nos passions, nos projets d'avenir, nos visions de la diplomatie, nos idéaux, nos goûts... Nos goûts aussi, malheureusement!

La voila, la raison de mon exil! Nous avions les mêmes goûts!

Comment cette fille que tu es venu nous présenter en rentrant de voyage n'aurait-elle pas pû me plaire? C'était tout simplement impossible!

Je te revois entrant dans ma chambre, le visage illuminé, me parlant d'elle, pressé de me la présenter, me répétant "Elle te plaira, tu verras! Elle est... Il n'y a pas de mot pour dire tout ce qu'elle est."

J'ai vu, et j'ai su... J'ai su que tu avais raison! Il n'y avait pas de mot pour dire tout ce qu'elle était.

J'ai su aussi, immédiatement en croisant son regard, que je ne serais pas capable de taire le feu qui venait de s'enflammer dans mon propre coeur. J'ai su que je devais m'éloigner pour ne pas fauter, pour ne pas te trahir, pour ne pas risquer de détruire notre famille, pour ne pas ruiner ton bonheur, pour ne pas perdre mon honneur...

Justine... Ma pire faiblesse! Ce n'est pas toi que j'ai fuit, c'est moi! Je savais que tôt ou tard nous souffririons tous parce que l'amour ne se tait pas, et le mien n'en serait pas plus capable qu'un autre! J'ai fuit pour ne pas te voir malheureuse...

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 07/08/2007

Je me relève et reprend la route, repensant aux cinq années qui viennent de s'écouler...

J'ai attendu votre mariage avant de m'en aller, faisant semblant jusqu'au bout que tout allait bien, que j'étais heureux. Etait-ce réellement faux? Encore aujourd'hui je suis incapable de répondre à cette question.

Mon coeur de frère était heureux pour toi, Guillaume! Tu allais unir ta vie à celle qui faisait battre ton coeur, elle te donnerait sans doute des enfants. Au fond de moi je te souhaitais tout le bonheur que tu méritais, biensûr!

Mais mon coeur d'homme lui souffrait mille martyres! J'aurais tellement voulu être à ta place! Je me surprenais à t'envier, te jalouser... Toi, mon frère! C'était un supplice indescriptible! Mes propres pensées me faisaient me détester moi-même!

Ces cinq années que je viens de passer loin de vous ont été bien remplies...

J'ai commencé par louer mes services en temps que mercenaire à des petits seigneurs en guerre. Les cours de père m'ont bien servis, et je me suis rapidement fait une réputation.

J'ai beaucoup voyagé. Chaque jour était différent, fait de nouvelles rencontres. Et chaque nuit était elle aussi différente de la précédante... Les femmes ont toujours aimé les soldats! Dans leurs bras, je tentais d'oublier que c'était dans les tiens que Justine reposait, mon frère... Certaines rencontres au savoir-faire époustouflant y ont presque réussi, mais le soleil qui chaque jour se levait me remettait en mémoire son visage à elle.

Aujourd'hui, me voici à quelques longueurs de bateaux de toi et elle, et j'ai peur! Peur de croiser son regard! Peur de sentir les braises dans mon coeur s'enflammer de plus belle! Je voudrais faire demi-tour, mais toujours cet appel qui me pousse à revenir vers vous... Pourquoi?

Le coeur lourd, j'accélère le pas, sachant que rien ne sert de reculer et de traîner. J'en ignore encore la raison, mais ce retour fait partie d'un tout sans doute! Cet appel qui est venu me chercher dans mon sommeil doit avoir une explication!

Les portes de Walkenburg se dressent devant moi!

Je m'arrête un bref instant... Je viens d'apercevoir le drapeau en berne sur la façade du chateau!

Nombre de messages : 9 Date d'inscription : 07/08/2007

J'ai cessé de me poser des questions, et j'ai couru jusqu'à ce bâtiment où toute mon enfance s'était déroulée. J'ai couru à en perdre haleine jusqu'à ce chateau où j'avais tant de souvenirs, où je vous avais tous vus la dernière fois, la veille de mon départ.

J'ai ouvert la porte sans prendre la peine de répondre aux gardes qui me demandaient mon identité. Personne n'aurait pû m'arrêter à cet instant...

Le hall était vide, et un silence lourd de sens règnait dans le batiment!

Je me suis avancé jusqu'à l'escalier, et j'ai gravi les marches quatre à quatre, les gardes sur mes talons, ne m'ayant toujours pas reconnu. Cinq années changent-elles un homme à ce point?

Une seule porte était ouverte à l'étage. Je me suis dirigé vers celle-ci, et je suis entré...

Tu étais là, père, assis dans un fauteuil, les yeux fixant les deux corps étendus sur le lit. Ils reposaient l'un à côté de l'autre, leurs mains enlacées pour l'éternité, et j'ai compris que jamais ils ne sauraient à quel point je les avais aimés, tous les deux... Guillaume et Justine n'étaient plus!

Je me suis approché de toi, et j'ai posé le genoux à terre, comme pour te demander pardon, et à eux aussi, d'avoir pris la fuite sans explication, de ne pas vous avoir donné de mes nouvelles.

Je n'avais pas vu le berceau à côté de toi, c'est toi qui me l'a montré du regard...

Ensuite, tu t'es levé, tu as pris le nourisson qui commençait à s'éveiller, et tu me l'as mis dans les bras.

Je te présente ton neveu... Justine est morte en le mettant au monde, et ton frère a préféré la suivre dans la mort. Il s'est jeté par la fenêtre avant même d'avoir vu son fils... Ils avaient choisi de l'appeller Arnaud... Comme toi... Ils n'ont jamais compris ton départ... Ils espéraient tant ton retour, si tu savais...

J'ai regardé cet enfant, et les larmes ont perlé à mes paupières. J'avais tellement de regrets dans le coeur.

Je me suis tourné vers toi, et j'ai juste dit quelques mots.

Je n'aurais pas été capable de taire l'amour qui me rongeait, père.

Tu as approché ton doigt de mes lèvres, comme lorsque j'étais gamin, et tu l'as posé là comme pour me faire taire.

Je sais, fils. J'ai toujours su. Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi je t'avais toujours considéré comme mon propre fils?

Je n'ai pas fuit comme toi, mais j'aurais dû... Je n'ai pas sû taire mon amour, j'ai voulu le vivre, trahissant ton père, l'envoyant guerroyer pour l'éloigner d'elle, et faisant ta mère se ronger de culpabilité...

Tu vivras avec des regrets, des non-dits, mais crois-moi, cela vaut mieux que des remords.

FIN.